Salut la compagnie !
Jack White est de retour. Et comme
promis, son nouvel album est l'objet de cette chronique. Je vous
avais prévenus...
Après le second album des Dead
Weather, sorti en 2010, White s'est consacré à son label Third Man
Records, se lançant avec frénésie dans la production, produisant
du bon (Tom Jones, Karen Elson) comme du moins bon (la blague Insane
Clown Posse ou les cruellement décevantes Black Belles). Bien sûr,
sa participation au beau projet Rome,
de Danger Mouse et Daniele Luppi, avait de quoi rassurer ceux qui
s'interrogeaient sur un éventuel retour de Jack White en studio.
Mais pouvais-je vraiment me satisfaire de trois chansons interprétées
par Jack sur une musique qu'il n'avait pas composée – il est vrai
qu'il était l'auteur de leurs paroles ?
Non,
évidemment. Et, bien sûr, les White Stripes s'étaient séparés en
Février 2011. Le coup fut dur. Et le deuil assez long, en
définitive.
La
question qui a perduré dans ma tête pendant des mois était :
comment Jack White va-t-il revenir ? En groupe ou en solo ?
L'homme est imprévisible et surgit toujours là où on ne l'attend
pas.
Moins
d'un an après la séparation du duo qui fit sa gloire, Jack White
annonçait la sortie d'un album solo intitulé Blunderbuss.
L'album
en question est finalement sorti, officiellement le 24 Avril –
officieusement le 22 dans ma boîte aux lettres. C'est une surprise
de taille.
Blunderbuss
est un album complexe, difficile à aborder. Il est nécessaire de
l'écouter plusieurs fois pour en saisir les nuances et l'apprécier.
(Et comme je crois avoir franchi ce stade, j'écris la présente
chronique.)
L'album
s'ouvre avec trois chansons qui ne surprendront pas vraiment
l'amateur du musicien. Sixteen Saltines
nous amène en terrain connu : des guitares agressives et un
chant survolté. Freedom At 21 est
excellente mais appartient à la pure tradition whitienne. Pas de
risques. Et c'est là que surgit Love Interruption,
qui va faire basculer l'album dans sa partie la plus intéressante –
mais aussi la plus risquée. La chanson est une ballade très douce,
en duo avec la chanteuse Ruby Amanfu. Douce en apparence, du moins :
les paroles sont d'une violence rarement atteinte chez White, qui y
décrit sa vision de l'amour. « I want love to change
my friends to ennemies, show me how it's all my fault. »
Le constat est mélancolique et désabusé.
C'est
ce qui frappe dans toutes les chansons qui vont suivre : si la
musique est lumineuse, souvent entraînante, le chant de Jack White a
rarement été aussi tourmenté.
Les
morceaux flirtent avec un mélange de sonorités blues, country et
pop. Les fans de la première heure pourront être déçus de ce
tournant dans la musique de White : l'homme se fait plus
mélodique, chaque morceau possédant une richesse, une complexité.
Pour ma part, j'ai été conquise. Avec un coup de foudre instantané
pour Hypocritical Kiss et
son piano renversant. C'est une autre caractéristique de l'album :
le piano en est presque l'élément principal. Jack en joue et en
rejoue, créant des mélodies incroyables et vertigineuses avec son
instrument. Weep Themselves To Sleep
est également un sommet de l'album, avec piano et solo de guitare à
tomber par terre.
White
se charge d'ailleurs de nous rappeler d'où il vient : il puise
ses principales influences dans le blues et la musique noire. Ainsi,
la reprise I'm Shakin
de Rudolph Toombs est une chanson dansante, rétro, avec chœurs
féminins à l'appui.
Les
femmes et l'amour sont d'ailleurs les thèmes principaux de
Blunderbuss. Ce sont
des femmes fatales et manipulatrices qui hantent l'album, et le
portrait qu'en dresse White n'est pas flatteur. « And
men who fight the world and love the girls that try to hold their
hands behind them », chante-t-il
dans Weep Themselves To Sleep. « No responsibility,
no guilts or morals cloud her judgement. Smile on her face, she does
what she damn well please »,
raconte-t-il dans Freedom at 21.
Pour
White, les chansons sont d'abord des histoires dans lesquelles il met
en scène des personnages. « Cela semble presque ennuyeux de
parler de moi : je connais déjà cette histoire », a-t-il
un jour déclaré.
Et
pourtant... Pourtant, impossible de ne pas songer à White lui-même
en écoutant I Guess I Should Go To Sleep
ou On And On And On.
Dans la première – une chanson joyeuse dans le style cabaret –,
White semble se moquer gentiment de son hyperactivité légendaire.
La seconde, l'une des plus douces, belles et délicates de tout
l'album, est un autoportrait de Jack White, pas moins :
« The people around me won’t
let me become what I need to. They want me the same, I look at
myself, I want to just cover my eyes and give myself a new name »
On
peut difficilement faire plus explicite.
Et
tout cela se conclut donc sur la magnifique Take Me With
You When You Go. Une chanson qui
démarre apparemment dans le style des autres ballades de l'album,
avec un piano entraînant. En plein milieu, la guitare électrique de
White surgit, suivie de chœurs fous qui se mêlent à son chant. (Le
titre n'est d'ailleurs pas sans rappeler Prince dans ses plus beaux
moments... Tout comme les chœurs de Sixteen Saltines,
tiens.) L'album se clôt ainsi, sur une note d'espoir, virtuose.
Jack, apparemment réconcilié avec la femme diabolique qu'il a tant
blâmée auparavant, chante : « Take me with you
when you go, girl, take me anywhere you go ».
That's all, folks !!! See you soon, ladies and gentlemen.
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